Etre médecine et en PMA : pourquoi cela complique les choses
On pourrait croire qu'exercer la médecine comme métier pourrait aider dans un processus aussi médicalisé que la PMA. S'il est vrai que connaître les termes médicaux fait gagner du temps dans la compréhension des protocoles, être médecine* occasionne, paradoxalement, de l'anxiété supplémentaire tout au long du parcours. J'accompagne plusieurs femmes qui exercent la médecine et qui sont passées par la PMA, et je vous raconte les difficultés qu'elles rencontrent dans leur projet de maternité, spécifiquement liées à leur profession.
Etre perçue comme une patiente
Quand on est médecin, il n'est pas forcément facile de se retrouver de l'autre côté, du côté des patients. Les médecines que j'accompagne me le disent toutes : elles connaissent chez leurs patient.e.s la vulnérabilité, le besoin d'être rassuré.e, et elles s'efforcent d'aider avec toute leur bienveillance les personnes qui les consultent. Pour autant, il n'est pas si facile de se placer du côté de celle qui a besoin d'un soin, d'un diagnostic, d'un protocole.
D'autant qu'elles sont parfois confrontées à des médecins qui les voient davantage comme des consœurs
que comme des patientes. Cela occasionne plusieurs inconvénients :
- Certains médecins passent parfois trop vite sur les explications, sans prendre le temps de rassurer
- Certains médecins peuvent même donner l'impression d'être mal à l'aise, comme s'ils se sentaient jugés en tant que médecin par cette patiente qui est aussi l'une des leurs
Les différentes médecines que j'ai accompagnées m'ont fait part de leur désarroi face à une prise en charge altérée, du fait qu'elles exercent elles-mêmes la médecine.
Ne pas être spécialiste
La médecine de la reproduction est une spécialité extrêmement précise dans tout le spectre de la médecine occidentale moderne. Aussi, elle n'est que très peu évoquée dans les cursus de médecine qui ne se trouvent pas dans cette spécialité.
De fait, une médecine généraliste, ou spécialiste d'une autre branche que la gynécologie, n'aura qu'une vague idée des protocoles, des explications, des tenants et aboutissants des protocoles. D'un autre côté, en tant que médecine, elle a en tête les termes médicaux et les statistiques. Cela lui donne donc une position intermédiaire entre une patiente sans connaissances médicales, et une spécialiste du domaine. C'est cet entre-deux qui génère de l'anxiété : savoir un peu pour s'inquiéter, et pas suffisamment pour se rassurer.
La tentation de l'auto-diagnostic
Les réflexes professionnels des médecines peuvent altérer leur façon d'appréhender leur parcours PMA. Elles peuvent être tentées d'analyser leurs sensations ou leurs résultats médicaux avec le prisme de leur métier. Mais dans le même temps, elles n'ont ni l'expérience de la médecine reproductive, ni le recul nécessaire pour poser un diagnostic objectif. Donc le plus souvent, en voulant se rassurer, elles amplifient leur inquiétude.
C'est exactement ainsi qu'elles me décrivent le phénomène, elles en ont conscience mais ne peuvent pas s'empêcher de fonctionner ainsi. C'est logique : on ne peut pas faire comme si on ignorait ce que l'on sait. En l'occurrence, leurs connaissances médicales, appliquées à leur propre cas en PMA, leur apportent un stress supplémentaire.
Comment bien vivre sa PMA quand on est médecine ?
A peu près pareil que lorsque l'on ne travaille pas dans le médical, si ce n'est que les spécificités liées à l'exercice de la médecine doivent être prises en compte.
- Prendre soin de soi : activités plaisantes, se reposer, se recentrer...
- Avoir conscience de son anxiété / son vécu de la PMA
- Se faire accompagner pour s'apaiser
- S'efforcer de mener sa PMA en laissant de côté sa profession
* Le terme "médecine" est le féminin de "médecin" et désigne donc une femme qui exerce la médecine. Le terme a été oublié il y a quelques siècles, tout comme d'autres noms de professions au féminin, et j'ai à cœurde l'utiliser à nouveau.